Entretien avec un traducteur de profession : Benjamin Aguilar-Laguierce

Entretien avec un traducteur de profession : Benjamin Aguilar-Laguierce

Benjamin Aguilar-Laguierce est traducteur professionnel depuis 2005 et président du directoire de 9h05 Group depuis 2009. Souvent sollicité par des étudiants en traduction, traductologie et langues quant à la profession de traducteur, il a choisi de partager ses réponses aux questions couramment posées.

 

  1. Quelles études avez-vous suivi ?

J’ai suivi à l’Université Bordeaux Montaigne des études en langue. Tout d’abord, un DEUG + licence en études hispaniques, puis la maîtrise suivie d’un master en études hispaniques (spécialité traductologie et linguistique), j’ai ensuite bifurqué vers un master en traduction pour l’édition en anglais, avant de suivre un doctorat en traductologie et linguistique appliquée axé sur la traduction des référents culturels et de l’idiolecte entre l’espagnol, le français et l’anglais. Par ailleurs, je me suis spécialisé dans la traduction du droit notamment avec un DU en expertise judiciaire et de nombreuses formations spécialisées dans le domaine juridique.

  1. Avez-vous fait une école de traduction ?

Je n’ai pas fait à proprement parler d’école de traduction (dans le sens ISIT ou ESIT), mais j’ai suivi mes deux masters et mon doctorat dans la spécialité de la traduction. Ces formations sont plutôt axées sur la traduction littéraire qui est particulièrement exigeante en termes d’exactitude, d’organicité de la langue et de constance au travail.

  1. Indépendant ou salarié ?

J’ai un statut particulier dans le sens où je suis indépendant (profession libérale) et dirigeant d’une entreprise de traduction.

  1. Quel type de traduction exactement ?

Je me dédie à trois professions de la traduction : traduction littéraire, traduction juridique et traduction spécialisée.

  1. Des débouchés sur le doublage ?

Le doublage est un domaine très particulier de la traduction. Les traducteurs-doubleurs sont d’ailleurs appelés adaptateurs, car leur travail n’est pas seulement de traduire les dialogues et les interactions des personnages à l’écran, mais également d’adapter le discours aux lèvres et à de nombreux critères. À l’inverse, les traducteurs sous-titreurs sont chargés de la traduction de ces mêmes interactions dans les contraintes propres au sous-titrage (synthéticité, taille de caractères, normes de couleurs, longueurs de phrases, coupures de segments, etc.). Une école de traduction est sans doute préférable pour l’adaptation, ainsi qu’une expérience aguerrie.

  1. Quelle(s) œuvre(s) avez-vous déjà traduit le cas échéant ?

J’ai traduit plusieurs romans, recueils de poésie et ouvrages de vulgarisation scientifique. Par exemple, Minka, ma ferme au Japon de John Roderick (éd. Elytis), Malaga, pas sans mon nom de Santiago Vizcaíno (éd. Elytis), Oso + Páramo d’Olivier Dangles (éd. IRD), British Stories du Musée du Louvre (éd. Snoeck)…

  1. Cela permet-il de vivre correctement en termes de salaire ?

Il est possible de vivre aisément de la traduction sous réserve de se diversifier. Pour exemple, il est rare de pouvoir vivre exclusivement de la traduction littéraire sans autre profession. Mes trois axes de traduction me permettent de bien vivre. Il est tout à fait possible de vivre convenablement de la traduction.

  1. Quelle(s) langue(s) traduisez-vous ?

Mes langues de spécialité sont le français, l’anglais et l’espagnol. Ayant deux langues de naissance (une maternelle, une paternelle), je traduis aussi bien vers le français que vers l’espagnol.

  1. Quels sont les inconvénients majeurs selon vous ?

Cela dépendra notamment de votre façon d’être. La traduction professionnelle est un secteur très souvent solitaire qui entraîne des inconvénients pour certains, des avantages pour d’autres. La solitude est souvent pointée du doigt dans le secteur, car nombreux sont les traducteurs qui travaillent depuis chez eux, ce qui ne facilite pas la vie sociale. Un autre inconvénient qui est tout autant un avantage selon votre tempérament est l’absence de patron : si vous savez gérer votre temps, vos commandes, cela sera un avantage pour vous. Si vous avez besoin d’un cadre de direction pour travailler, cela sera assurément un inconvénient.

  1. Quels sont les principaux avantages ?

Côté avantages, je dirai la même chose qu’à la question précédente : cela peut tout aussi bien être un avantage qu’un inconvénient. Le principal avantage est que c’est vous qui gérez votre emploi du temps et l’endroit depuis lequel vous travaillez. Libre à vous donc de travailler deux heures par jour ou du lever du soleil au coucher, ou alors de nuit, ou alors le week-end. Il peut souvent être difficile de séparer sa vie professionnelle de sa vie sociale et privée. Quand on travaille depuis chez soi, le mieux est de dédier un espace qui ne sera qu’employé à l’exercice de la traduction afin de bien faire la part des choses. Mais souvent, les traducteurs vivent la traduction comme une passion, un mode de vie, et ont du mal à décrocher. En effet, comme il est possible de travailler depuis n’importe où, pour peu que l’on dispose d’un ordinateur portable et d’une connexion à internet, il est facile de travailler partout et tout le temps, même en vacances, même dans sa chambre d’hôtel avec vue sur la mer à Bali.

  1. Quels conseils auriez-vous à donner aux étudiants qui se lancent dans le métier ?

Les compétences en traduction s’affinent au gré de l’acquisition de l’expérience. Le paradoxe étant que pour acquérir de l’expérience, il faut être engagé, et pour être engagé, il faut de l’expérience, je ne saurais que vous recommander de trouver les façons d’exercer la traduction qui vous permettront d’engranger de l’expérience. Cela passe notamment par le bénévolat, le volontariat, la pratique personnelle, les stages, les observations… Ensuite, persévérez, spécialisez-vous et diversifiez-vous. Si par exemple, vous avez une passion qui vous anime, faites-en votre domaine de spécialité en traduction. Vous n’imaginez pas les demandes dans tous les domaines qui existent. Traduction culinaire, traduction cosmétique, traduction de bricolage, traduction ornithologique, traduction pour la peinture… Tous les domaines sont possibles !

  1. Avez-vous fait des stages durant vos études ? Si oui trouvez-vous que cela a eu une importance ?

J’ai eu l’occasion de faire un stage chez un éditeur lors de mon master en traduction éditoriale. Cette expérience a été fondatrice dans le sens où elle m’a permis de découvrir ce monde de l’intérieur et de nouer des liens d’amitié encore très forts aujourd’hui, tout en engrangeant une précieuse expérience et de nouvelles compétences propres à l’édition.

 

Retour en haut